Ce sera donc The Arch. C’est le nom qu’ont choisi les membres de l’association The Bridge pour le prochain chapitre de l’aventure entamée en 2017 par l’événement The Bridge.
Présentation de The Arch, le 13 avril 2018.
Ce sera donc en 2021, pour fêter les 70 ans de la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), organisation aux fondements de l’Europe.
Ce sera donc en Europe, de Hambourg à Athènes en passant par Nantes, évidement. Avec un thème central : quelle Europe pour demain ?
A terre et sur l’eau mais de façon plus responsable, avec notamment des cargos du futur à l’emprunte carbone réduite.
Les bases de ce nouveau rêve sont posées et ont été présentés à l’occasion d’une journée organisée par The Bridge et l’association des Dirigeants Responsables de l’Ouest (DRO) à Open Land le 13 avril dernier. Les membres du Club des 100 et adhérents DRO ont pu découvrir le projet, se laisser inspirer par Pierre Musso, François Delarozière, Virginie Raisson, Etienne François ou encore “le professeur” Michel Desjoyeaux. Et contribuer, afin de partager avec les organisateurs leur réflexions, idées et attentes pour ce futur événement.
Voici mes impressions et mes réflexions. Pour The Arch et l’Europe.
Selon moi, trois mutations complémentaires sont en cours en Europe aujourd’hui. La façon dont nous (en tant que personne ou organisations) décidons de répondre à ces mutations pourrait conditionner l’avenir européen :
- Du politique vers l’économique : du citoyen au consommateur,
- De la verticalité aux fonctionnement en réseaux, horizontaux,
- La place de l’Homme ou le piège de l’utilité.
Fondations, fonds d’actions, fond d’acteurs…
L’Histoire était aux fondements de The Bridge, elle sera aux fondements de The Arch qui commémorera les 70 ans de la création de la CECA.
Lors de son intervention sur le thème Imaginaire et Europe, Virginie Raisson fait les constats suivants :
“L’Europe ne fait plus rêver”.
“Les citoyens ne votent plus”.
Effectivement mais pourquoi ? Tout simplement parce que les “individus” ne sont plus des citoyens, ils sont des consommateurs. Ce qui les conditionne n’est plus le politique, c’est l’économique. Ce qui régit leur vie et leur sentiment d’appartenance n’est pas le pays mais les marques. Ce n’est plus les lois mais les conditions générales d’utilisations (CGU). L’Europe politique a échoué parce que ses acteurs et citoyens ont laissé s’installer une seule voie, une seule vision : celle de marché. Tout est organisé par et pour l’argent qui tend à régir des pans entier de notre vie avec une difficulté de plus en plus grande en à définir les limites. La dictature de l’argent et du néo-libéralisme sans limite plane sur l’Europe. Nous nous sommes laissés enfermer dans un camps de consommation par la finance.
Emmanuel Faber, PDG de Danone
N’en déplaise à Virginie Raisson et à Etienne François, ce qui est invisible sur une carte et qui change la donne dans la continuité de la mondialisation, c’est l’émergence d’un “sixième continent” : le continent numérique. Sans frontière et sans loi. Ce continent est organisé par et pour l’économie, et l’hyper croissance. Et pour continuer sur un ton volontairement provocateur, les dirigeants de ce sixième continent que sont les CEO des GAFAM, NATX et autres NATU sont en train de coloniser l’Europe et les européens, armés de leur arme favorite : le numérique. Ces acteurs se moquent des lois des états régaliens, leur Conditions Générales d’Utilisation (CGU) sont les seules lois qui vaillent, nous les acceptons à coups de clics. “Nul n’est censé ignorée la loi”, les CGU sont l’arnaque du siècle, internet repose sur des lois que personne n’a lu, ne lit et ne comprend. “Code is law” : il est temps d’en prendre conscience et de réagir.
Les citoyens ne votent plus, ils consomment. Ce n’est pas une vision politique et des lois ou accords entre dirigeants qui changeront fondamentalement l’Europe. Ce sont les choix de consommation des européens. Les fondations ne sont plus partagées, les fonds d’actions nous mènent dans le mur, nous avons besoin de fonds d’acteurs : de communautés de personnes engagées. L’enjeu est de faire prendre conscience aux européens que consommer, c’est voter. Consommer peut et doit être un acte bâtisseur.
Pères, paires, pairs de l’Europe
Arrivée de la transat The Bridge à New York. © Thierry Martinez / THE BRIDGE
“C’est l’Arche de Noé ton truc”.
Voici la phrase prononcée par un ami de Damien Grimont lorsqu’il a découvert cette photo de l’arrivée de The Bridge. Il n’en fallait pas plus, ce sera “The Arch”.
J’ai tenté de le montrer, ce qui a tué l’idée des pères fondateurs de l’Europe c’est l’économie. Les acteurs économiques sont aujourd’hui les maîtres du marché européen. Il faudrait donc chercher les nouveaux pères fondateurs de l’Europe du côté des acteurs économiques. Les acteurs politiques n’ont plus de pouvoir ni de vision partagée. The Bridge, c’est bien cette intuition selon laquelle “le monde de demain” peut être imaginé, réinventé et façonné par les acteurs économiques.
The Arch où comment partir pour fuir la catastrophe annoncée et mieux revenir pour bâtir une alternative. Comme aux temps de Noé. L’enjeu d’ici 2021 est donc de constituer des “paires d’espèces”, celles qui souhaitent et seront aux origines de la refondation. L’inspiration de The Arch est bien celle là : des acteurs économiques pour construire le monde qui vient, entre pairs. Paires fondatrices pour agir entre pairs au service de l’Europe.
Le constat est difficile à entendre : l’économie a pris le pas sur le politique en Europe, contrôlée par des acteurs externes. Qu’est ce qui distingue encore l’Europe alors ? Et bien l’espérance vient de là. Ce qui distingue l’Europe, ce sont les européens en tant que consommateurs et travailleurs. Une personne aujourd’hui contrôle l’économie par ces choix de travail et de consommation. Par le travail, en tant que producteur, il est en amont de la chaîne de production de valeurs et en tant que consommateur, il la conditionne en aval. Donc si nous arrivons à faire émerger une vision du travail et de la consommation par et pour les européens alors nous pourrons reprendre le contrôle de l’Europe. Les acteurs économiques sont les entreprises européennes mais c’est aussi et surtout les consommateurs européens. Chacun d’entre nous.
L’idée est donc de se servir de l’économie pour libérer l’Europe. Mais l’économie est un moyen au service d’une vision. C’est cette vision qu’il manque. C’est cette vision que The Arch peut contribuer à bâtir. Martin Luther King n’a pas proclamé qu’il avait “un plan” comme beaucoup de managers ou acteurs économiques aujourd’hui. Il avait bien “un rêve”.
Nous pouvons évoquer une autre paire, celle que chacun des pères fondateurs a décidé de poser un jour sur la table pour bâtir L’Europe. Nous en sommes là. Si vous me permettez l’expression : “le pouvoir est entre nos mains”, à nous de décider qui nous autorisons à s’en saisir et ce que nous décidons d’en faire.
Le piège de l’utilité et la place de l’Homme
Nous sommes passés du monde vertical de nos pères, à un monde horizontal entre pairs, où chacun doit choisir de s’engager au service d’une vision et d’un écosystème.
J’ai tiqué lorsque Damien Grimont évoque le fait que cette fois-ci, The Arch veut être utile. Comme si The Bridge ne l’avait pas été, comme si rien ne pouvait être fait aujourd’hui sans viser l’utile. Ce réflexe étrange et agaçant qui consiste à vouloir mesurer le “ROI” de toutes nos actions. Je crois savoir que ce n’était pas ce que voulait dire Damien Grimont.
“The Arch” : comment ne pas penser à l’immense Jean Vanier, fondateur de l’Arche. Il pourrait être le premier intervenant de The Arch pour nous aider à définir ce qui est utile. Aider des personnes handicapées car leur conditions de vie ne sont pas acceptables. Quel apport pour la croissance ? Quel ROI ? A quoi bon ?
L’enjeu est de définir, au delà du fait de vouloir être utile, qui nous voulons servir. Vouloir être utile, c’est définir le comment. Nous en sommes encore au stade de Pourquoi et du Pour-qui. C’est ce piège de l’utilité dans lequel l’Europe est tombée depuis l’après guerre et la chute du mur de Berlin. Ce piège de l’avoir au lieu de l’être, de la croissance au lieu du Bien Commun. Si nous sommes convaincus que c’est chaque personne en tant que consommateur qui peut décider de l’avenir de l’Europe alors nous devons bâtir une vision pour servir chaque personne. C’est à dire une vision pour l’Homme européen. Qu’est ce qui fait la singularité des européens en tant que personnes ?
Bâtir des machines animées : quelle utilité ? Le sport, l’art, la musique : quelle utilité ? The Bridge ne se trompe pas. Ce qui importe ce sont bien les Hommes, les expériences et les émotions. C’est cela qui est beau, c’est cela qui fait rêver, c’est cela qui met en mouvement et qui fait agir. C’est exactement la mission que s’est donnée The Bridge, et c’est en cela que cet événement a été utile et que The Arch le sera également. Créer des ponts, créer du lien entre les personnes qui vivent sur un même territoire, pour les inspirer et les amener à s’engager, à changer leur comportement de travailleur, de consommateur, de personne.
“Ce qui compte ce n’est pas le résultat, c’est le processus de création” explique François Delarozière, le fondateur de la compagnie des Machines. Il donne une vision par ses dessins et ses idées mais c’est ensuite chaque travailleur qui, par ses talents, ses compétences, sa spécialité façonne la machine. Quel beau message du créateur de la compagnie des machines :
“Je m’intéresse au processus,
L’acte artistique c’est le processus,
L’aventure vécue est ce qu’il y a de plus important”.
L’homme au centre, au départ du processus de création. C’est ce processus, le chemin, qui change les hommes et le monde, ce n’est pas le résultat. Il nous montre, à l’appui, une photo d’hommes et de femmes souriant qui travaillent un premier mai au delà des idéologies et de ce que cela pourrait représenter. C’est le travail qui unit et qui crée des liens quand il est un moyen pour l’homme d’exprimer sa singularité. Et du côté des “consommateurs”, il explique que les machines sont au cœur des villes, pour surprendre et créer de l’émotion — gratuite. Quelle cohérence ! Pas besoin de servir des actionnaires, de gagner de l’argent en vendant des places de parking et des sandwichs dans des parcs d’animations où plus rien n’est animé et où l’émotion parait si factice et éphémère. Une ville vit parce qu’elle est habitée et animée. La compagnie des machines y contribue, par l’émotion. Par et pour les Hommes, de la production à la consommation.
Cette réflexion induit un point de vigilance : The Arch ne pourra pas se contenter d’embarquer majoritairement des acteurs économiques. L’erreur de notre société “utile” est de considérer uniquement le travail salarié ou rémunéré alors que toute les formes de travail (domestique, bénévole, …) façonnent une société. Tout comme tous les consommateurs façonnent la production. Il faudra donc être vigilant dans la constitution des “paires d’espèces” qui embarqueront à bord de The Arch.
Avec mes clients qui souhaitent transformer leur entreprise par les Hommes en leur permettant d’être performants et engagés au travail, j’utilise l’image d’un phare pour décrire une entreprise. Un phare bâti sur la base du sens, ou chacun s’engage pour que le phare s’élève puis qu’il rayonne sur son écosystème grâce à des produits utiles. Les phares aujourd’hui sont automatisés et ne servent, en soi, plus à rien puisque les GPS et la technique d’aujourd’hui permet à chaque navigateur de savoir où il est et où il va. La question à laquelle nous devons répondre est : voulons-nous, voulez-vous, que vos entreprises soient automatisées par la technique, se vident des personnes qui composent une communauté de vie et produisent des biens ou services utiles ? J’imagine que la réponse est non. Le défi est donc de faire de la technique un outil au service des personnes de votre phare, de votre organisation. Ce que pourrait être la singularité des entreprises européennes (que je détaille dans ce billet), ce sont les hommes et les femmes. Des hommes et des femmes engagés au service des autres (fournisseurs, collègues, clients, partenaires) au sein d’organisation qui sont des communautés de vie, créatrices de liens. L’engagement comme singularité européenne, là ou d’autres font de l’automatisation, l’IA ou la robotisation leur singularité.
Selon moi c’est cela l’avenir de l’Europe : des personnes engagées qui par leur travail livrent ce qu’elles ont de meilleur. Et façonnent des communautés locales. Lors de la journée du 13 avril, Michel Desjoyaux se demandait avec une pointe d’ironie ce qui est le plus beau entre une église, un panneau avec des arches dorées sur fond vert ou une éolienne ? La question est mal posée. Ce qui importe, c’est le sens que ces éléments apporte aux personnes qui les bâtissent et qui en sont les “consommateurs”. De quoi ces ouvrages sont-ils les marqueurs ? Ils expriment la singularité des producteurs et des consommateurs de l’endroit où ils se trouvent. Singularité chrétienne, singularité américaine de la consommation de masse ou singularité responsable ? Chacun d’entre nous choisit celle(s) qu’il préfère au quotidien, le tout est d’avoir conscience que la somme de nos choix de travailleur et de consommateur battissent et bâtiront, directement, l’Europe de demain. Si nous agissons selon une vision partagée, cette Europe sera singulière et cohérente. La révolution industrielle puis la révolution numérique façonnent une singularité humaine unique et mondiale. Pour que The Arch soit utile, nous devons proposer une vision alternative qui réponde à la question que pose Barry Schartz : “De quel type est la nature humaine que je veux contribuer à créer” pour l’Europe ?
“Monter sur le tonneau à Séville” : cette expression est celle d’un dirigeant du CIC Ouest avec qui nous échangions à propos du leadership et de l’engagement au sein des organisations. En référence aux conquistadors qui arrivaient à convaincre des équipages d’embarquer pour découvrir “le nouveau monde”. Pour convaincre, ils n’évoquaient pas le ROI ou la prétendue utilité de leur expéditions ou de leur stratégie. Bien leur en prenait puisque ces expéditions étaient très risquées et aux résultats incertains. Mais ce sont bien ces expéditions qui ont permis de découvrir de nouveaux mondes, de nouveaux possibles pour les européens. L’Histoire est une éternelle répétition.
Ce qui poussait les marins à s’engager à la conquête d’un nouveau monde, c’est bien l’imaginaire, le rêve, l’émotion. Cela, les organisateurs de The Bridge l’ont bien compris, c’est ce qui a fait la force et la richesse de la première expédition. Nous sommes trois ans avant le deuxième embarquement, trois ans avant The Arch. CIC Ouest “monte sur le tonneau” puisque la banque à décider de renouveler son soutien aux organisateurs. L’image est belle : financer les rêves des hommes serait donc utile bien que par nature incertain, singularité d’une banque régionale probablement pas comme les autres. Qui seront les prochains conquistadors ? Combien de pairs seront-nous pour bâtir une vision européenne ? Serons-nous le club des 100, des 1000, des 10 000 ou des 100 000 ?
L’utilité de The Arch dépendra de l’ampleur de la mobilisation et de la diversité des acteurs engagés sur les différents territoires visités.
A propos du Club ARMEN
Notre vision est d‘être capables de fournir à un client, un candidat ou un investisseur, les résultats d’une “Due Diligence de l’engagement” menée au sein de votre organisation.
Au sein du Club ARMEN, nous proposons de travailler sur ce sujet à travers un club de personnes qui partagent cette vision. L’objectif de notre approche est de faire rayonner les hommes et les femmes d’une organisation à travers un engagement durable basé sur le sens. Nous transformons les entreprises par et pour les Hommes grâce à l’organisation d’ateliers inter et intra-entreprises. Nous accompagnons également les entrepreneurs pour construire des entreprises basées sur l’engagement comme principal actif et premier levier de performance ; un accélérateur vers la levée de talents en quelque sorte.
Nous présentons l’entreprise comme un phare à construire (si possible avant que les tempêtes n’arrivent). Le socle de ce phare est le sens apporté par l’entreprise et partagé par ses collaborateurs. Ce qui permet au phare de s’élever est l’engagement de chacun, à travers des comportements et des principes d’organisation vertueux. Puis le phare rayonne durablement parce que l’entreprise et ses collaborateurs arrivent à améliorer et transmettre leurs propositions de valeurs de façon durable.
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