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"C'est le règlement" ou le drame du management et de la relation client !

Pour en finir avec une éthique basée sur les règles.

26 janvier 2018

Que retiendront les médias (et par extension : que retiendrons-nous) de cette "affaire Ruffin" à l'Assemblée Nationale ? "Il a enfreint le règlement !". Je tire plusieurs conclusions qui me permettent d'introduire cet article consacré aux dangers des règles et des règlements à outrance dans les organisations.

Première conclusion : certains considèrent que nos députés ont besoin d'un règlement (!) et en particulier sur leur tenues vestimentaires. Ils seraient donc incapables de déterminer seuls la façon dont ils doivent s'habiller.

Deuxième conclusion : le but d'un règlement est censé protéger contre des dérives, préserver un certain vivre ensemble et faire respecter certains principes moraux ou éthiques. On mesure à quel point certaines règles s'éloignent de cette finalité première ! Dans le cas de notre cher député, quel est fondamentalement le problème ? La réponse est qu'il n'y en a pas.

Troisième conclusion : vous trouverez toujours des personnes, ici des médias, pour vous rappeler à quel point c'est grave de ne pas respecter un règlement, vous faire culpabiliser, vous sanctionner dans certains cas ou vous rappeler les conséquences possibles d'un non respect des règles.

Les règlements et les règles s'appliquent très bien dans un environnement ou des situations simples. Notre souci est que notre monde se complexifie, que des règles font régresser 97% des personnes pour tenter d'endiguer 3% de comportements déviants, sans limite puisque il y aura toujours des gens pour les contourner (source Liberté et Cie, chapitre 2). Voila pour les faits.

Sur le fond, baser nos actions sur des règles et des règlements présuppose que nous (en tant que citoyens, usagers, travailleurs) ne soyons pas assez grands, assez lucides, assez altruistes, pour savoir ce qui est bon pour nous, pour les autres et pour les organisations dans lesquelles nous évoluons. Et donc nous finissons par déléguer (par obéissance et habitudes) cette incapacité à d'autres et à des règlements. Nous attendons que l'on nous dise quoi faire, comment le faire, comment agir, comment se comporter. Beau programme pour le développement de la personne humaine, de la liberté, de la prise d'initiative et de la créativité. On accepte de s'en accommoder pour une place de parking ou une limitation de vitesse (et encore), je trouve que les conséquences sont plus subtiles et insidieuses au sein d'une entreprise.

On le voit avec l'exemple de nos députés, le problème est que les règles sont maintenant présentes pour des pans entier de notre vie. Cela peut se comprendre pour des raisons de sureté, de sécurité, etc mais nous dire comment nous devons nous habiller, est-ce vraiment sérieux ? A priori oui et cela me rappelle une anecdote personnelle vécue en entreprise. Un service qui devait être chargé de cela (!) avait édicté des règles, des conseils, placardés dans toute l'entreprise pour informer et expliquer aux collaborateurs comment ils pouvaient (devaient) s'habiller pour le "Friday wear". Comble du ridicule. Mais je ne sais pas ce qui est le pire entre le fait que des gens aient pour mission de s’occuper de cela, qu'ils acceptent cette mission et que nous l'appliquions en critiquant mais sans vraiment rien dire ou faire. Sans parler du ou des dirigeants qui pensent sérieusement que leurs collaborateurs ne soient pas doués d'une capacité de discernement suffisante pour savoir comment s'habiller. Mais après-tout, me direz-vous, on a le même souci à l'Assemblée nationale alors pourquoi pas dans une entreprise ?

Tout cela cache une question que ces débats enfantins permettent d'occulter : à quoi sont censés servir ces règles ? La réponse est simple : elles sont censés créer un climat, un environnement propice à la réalisation de la mission de l'organisation.

La pérennité d'une organisation en tant que communauté humaine dépend en partie de cet environnement que l'on va réussir à créer au sein de l'entreprise et qui est de la responsabilité de chacun, dirigeants et collaborateurs. Chacun doit être responsabilisé dans ses actions. Chacun est dépositaire de l'exemplarité attendue. Une fois que l'on a dit cela, comment organiser les choses concrètement ? En abandonnant les règles arbitraires dont on ne sait même plus pourquoi elles sont en vigueur et qui ont pour conséquences de démotiver, d'infantiliser et de créer des comportement déviants. Puis en édictant des règles basées sur des principes et des valeurs. Les principes et les valeurs sur lesquels l'organisation (et ceux qui en font partie) souhaite baser son fonctionnement, son développement et que chacun pourra s'approprier.

Fonctionner ainsi permet aux organisations d'être un lieu de performance et de bien être pour les collaborateurs qui décident d'y travailler. Cela permet le développement de plusieurs pratiques :

  • La première est de partager ces valeurs et principes avec tous, ainsi ceux qui travaillent au sein d'une entreprise doivent être d'accord avec ces principes et valeurs, les accepter. Le pré-supposé est que la personne connaît les valeurs et les principes qui lui tiennent, personnellement, à cœur. Ainsi elle développe le sentiment d'être elle-même et "à sa place" dans son environnement de travail et au sein de l'organisation.
  • La deuxième pratique est d'utiliser ces règles comme support, comme aide à la décision. Ainsi on ne prend pas une décision parce que cela est autorisé ou non par un règlement imposé mais parce que ce que l'on décide correspond aux principes et valeurs de l'entreprise.
  • La troisième pratique est que les valeurs et principes permettent de donner un cadre de développement et d'évaluation aux collaborateurs. Le progrès, les améliorations seront mesurés selon les valeurs et les principes de l'entreprise. Cela permet d'éviter l'écueil qui consiste à fixer des objectifs ou des grilles d'évaluation abstraits qui ne correspondent ni aux besoins du développement de l'entreprise ni aux besoins de développement du collaborateur (comme faire une campagne de communication interne sur le règlement du "Friday wear"...).
  • La quatrième pratique est que l'on a tout à fait le droit de ne pas être d’accord avec les principes et les valeurs d'une organisation, cela veut simplement dire que l'on est pas dans le bon environnement de travail (ou client d'une entreprise qui ne nous correspond pas). Ce n'est pas un drame, ce n'est pas une question d'être une personne bonne ou mauvaise, c'est simplement révélateur du fait que l'on est pas à la bonne place. Cela ouvre des pistes de réflexion pour le recrutement et le management des collaborateurs...
  • Le cinquième élément, c'est le développement de la responsabilité de chacun. Ce fonctionnement invite à avoir des comportements vertueux et exemplaires et pas des comportements déviants qui consistent à se conformer aux règles en place et à pinailler sur tel ou tel point d'un règlement. Les exemples sont légions : remboursement de note de frais, horaires de travail, congés, gestions des budgets, ... Une personne ne devient pas meilleure, ne devient pas leader parce qu'elle respecte un règlement mais parce qu'elle sert une mission en agissant selon certains principes. Cette pratique concernent particulièrement le "top management" qui doit souvent renoncer à certains avantages qui n'ont finalement pas ou plus lieu d'être mais qui sont des signes visibles qui entachent ce principe d'exemplarité.
  • Enfin, abandonner les règlements à outrance permet de gagner du temps et de l'argent : plus de production et de diffusion des règles, plus d'actualisation, moins d'audit, de reporting et de vérification.

Le but d'une organisation n'est pas de faire respecter des règles, la finalité d'un collaborateur n'est pas d'appliquer des règlements. Ils doivent poursuivre la même vision grâce à un socle commun de principes, de valeurs, de culture partagés qui homogénéisent les pratiques et donnent une cohérence à l'ensemble.

On revient dont à notre question introductive : être vêtu d'un maillot de foot empêche-t-il un député, et les députés qui l'entourent, de voter de bonnes lois ? Voila la question fondamentale à laquelle les experts du règlement ne répondent pas, préférant se diluer dans leur enfantillages habituels. (Digression : Je trouve, de façon certes un peu naïve, que de porter un maillot de foot d'un "petit" village, pour mettre en lumière ses habitants et le fait qu'il ne faut pas les oublier, respectent a priori bien les valeurs de notre République : liberté, égalité et fraternité).

Il est donc urgent de baser nos habitudes, notre fonctionnement, et celui des organisations sur des principes moraux et éthiques et non par sur des règles qui infantilisent chacun et ne sert pas nos missions qui doivent demeurer la priorité.

Ce raisonnement s'applique aussi très bien, et par extension, au domaine de la relation client. Combien de fois nous sommes nous agacés lorsque quelqu'un nous répond : "je ne peux pas, je n'ai pas le droit, c'est comme ça !" ?

Là encore, ces situations sont révélatrices de règlements abscons et de privations de libertés et d'autonomie dans certaines entreprises. Lorsque les collaborateurs sont habités par la mission de leur entreprise, qu'ils peuvent baser leurs actions sur des principes solides et que le principe de subsidiarité est appliqué, alors ils peuvent servir les clients correctement selon la mission de l'entreprise. Certains, dont fait parie Herb Kelleher, le fondateur de Southwest Airline, poussent même le raisonnement jusqu'au fait de dire "Si vous n'êtes pas content de notre société, de nos services, c'est parce que vous ne devez pas venir chez nous et être notre client. Vous n'êtes pas en phase avec nos principes". Et il ajoute : "merci de ne pas revenir et de ne pas embêter mon personnel". Pour les collaborateurs, avoir la volonté et la chance pouvoir servir selon la mission de l'entreprise est inestimable. Inestimable pour eux-mêmes car ils grandiront en tant que personnes. Et inestimable pour l'entreprise car elle sera performante avec des collaborateurs heureux et engagés et des clients satisfaits.

 

Deux exemples extraits du livre Liberté et Cie : Christine est femme de ménage chez FAVI. Alors qu'elle est seule dans les bureaux le soir, le téléphone sonne. Elle décide de répondre (première action importante), une personne lui explique que son avion aurait du retard mais qu'il arriverait bien à l’aéroport pour son rendez-vous de demain à l'usine. Christine décide (deuxième action importante) de faire 3 heures de route pour aller chercher ce monsieur qui s'avère être un ingénieur de Fiat, nouveau gros client de FAVI à l'époque. Christine prend cette décision parce qu'elle à l’intuition que c'est ce qu'il faut faire pour le bien de l'entreprise et malgré le travail qu'elle avait à faire. Elle ne demande son avis à personne pour le faire et emprunter un véhicule de la société (principe de subsidiarité). Christine à simplement eu l’occasion, l’opportunité de faire quelques chose d'utile pour FAVI, et elle l'a fait !

 

Autre exemple, encore extrait du livre Liberté et Cie : "En 2005, une femme a appelé USAA pour régler un problème concernant l'assurance de sa maison. L'agent qui a pris son appel (...) a senti une angoisse inhabituelle dans la voix de la cliente et a demandé : "Vous avez l'air inquiète : il y a quelque chose qui ne va pas ?" Son interlocutrice lui a alors confié que son mari, atteint de la maladie d’Alzheimer, avait disparu depuis quatre jours. (...) Après un bref silence l'agent a dit : "Je vois que vous avez une carte de crédit chez nous. Voulez-vous que j'appelle notre banque pour lui demander de jeter un coup d’œil aux opérations sur la carte de crédit de votre mari au cours des derniers jours ? Cela nous apprendrait peut-être où il se trouve." (...) Grace aux données de la carte de crédit, celle-ci a retrouvé son mari dans un hôtel, à plusieurs dizaine de kilomètres de chez lui. N'est ce pas là une jolie démonstration de leadership au service de la clientèle de la part d'un agent de centre d'appels ?"

L'objectif de cet état d'esprit est de s'intéresser, pour vous et pour votre entreprise, au "pourquoi", à la finalité et moins au "comment", aux moyens, aux méthodes, aux règles.

Ne plus systématiquement s'intéresser aux règles, aux usages, aux règlements et décider de baser nos actions sur des principes décidés à l'avance peut se faire de façon très simple dans notre quotidien, par des petites actions. Un bon guide est de suivre nos intuitions sur ce que nous pensons être bon pour les personnes ou notre organisation. Lancez-vous !

S'il vous reste un peu de temps et pour le plaisir de se dire que c'est possible :

Le projet ARMEN est un club qui propose à ses clients des ateliers d'intelligence collective pour répondre aux enjeux de leur organisation. Les membres du club vous aident à discerner et proposent des pistes d'actions concrètes en fonction de leur expériences. Les thèmes des ateliers et les membres qui y participent sont choisis en fonction de vos problématiques, par exemple : comment définir la vision de mon entreprise ? Comment formaliser la culture de mon entreprise ? Comment mettre en place le principe de subsidiarité...

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