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Jean Vanier : portrait d'un homme libre

8 juin 2017

Suite à la lecture de la biographie de Jean Vanier, intitulée Jean Vanier, portrait d'un homme libre, je vous propose de découvrir le parcours de cette homme afin qu'il puisse vous inspirer au quotidien, dans la pratique de votre leadership. Ce livre est une leçon de vie, d'un homme libre qui nous fait prendre conscience, par l'exemple et avec humilité, de l'importance d'être en capacité de poser des choix. Avec Jean Vanier, nous mesurons que notre vie est une suite de choix assumés qui renforce notre liberté.

Portrait d'un leader vertueux, serviteur et magnanime !

Formation dans la Marine

De nationalité canadienne, Jean Vanier naît en 1928, quatrième et avant dernier enfant de la famille. Son père, Georges Vanier, Gouverneur général du Canada de 1959 à 1967 et homme diplomatique, entraînera sa famille au gré de ses fonctions en France et en Angleterre où Jean passera son enfance. En 1942, Jean rejoint la Marine Royale Britannique en tant que cadet au Collège Naval de Dartmouth au Royaume-Uni. Il a alors 13 ans. Le jeune garçon s’embarque dans la marine anglaise, puis canadienne, en pleine seconde guerre mondiale où il restera 8 ans.

Très tôt il pose des choix et fait preuve de caractère, d'abord lorsqu'il quitte les siens pour rejoindre l'Angleterre en disant "je sais ce que j'ai à faire". L'armée le forme à diriger et à vivre en communauté. Il n'a pas encore conscience de sa mission mais se forme. Il assume sa singularité : grand, canadien parmi les anglais, catholique parmi les anglicans. Ses appréciations de fin d'étude font déjà état d'une nature particulière :

"Un jeune officier très prometteur, très ouvert et cordial, néanmoins sérieux et professionnel en position de responsabilité qui semble être un leader naturel à l'influence considérable".

Rétrospectivement, Jean Vanier indique que l'autorisation de son père lui a accordé afin qu'il puisse rejoindre la marine anglaise l'a libérée. Il a ainsi pu ouvrir sa propre voie : "ce moment là a été comme une initiation à la vie d'adulte, je pouvais être moi-même, quitter la famille, emprunter une route de vie qui n'était pas conforme à la normalité. Je pouvais me risquer à vivre". Ces étapes, au collège naval puis dans la Marine, l'ont préparé à sa mission qu'il découvrira plus tard.

"Mon entrée dans la Marine, je suis convaincu que c'était un acte de Dieu. De plus en plus, je sens que j'ai été porté, guidé. Je n'avais pas de plan mais une certitude. D'où vient cette certitude ? C'est un mystère. Mais elle est là. Je suis convaincu que j'ai été ainsi préparé, formé pour recevoir la grâce de découvrir ma voie, découvrir ma mission. Oui, je crois vraiment que j'ai été préparé ainsi pour une mission spéciale. Chacun a sa mission spécifique, cachée ou visible, mais certains ont une mission spéciale. L'Arche a été cette mission."

Le fondateur de l'Arche ajoute : "Si j'étais resté au Canada, avec le tempérament que j'avais, tout aurait été très différent. Je serais resté dans le rang, docile. J'aurais eu une formation beaucoup plus intellectuelle (...)."

Le fonctionnement de la Marine a permis à Jean Vanier de développer le courage et l'endurance, d'être formé au commandement, de discerner vite, d'entraîner les hommes à sa suite. Il y aura également connu les bienfaits de la solidarité et de l'esprit d'équipe.

Plusieurs influences orientent le cheminement du jeune Jean Vanier. Il y a sa famille d'abord, bien qu'éloigné d'elle, il suit l'exemple de ses parents. Sa foi et son cheminement spirituel sont très riches et profonds. Lors de ses escales militaires, il visite la maison de l'amitié de Catherine Doherty à New York. Elle l'inspire et confirme son attirance pour la vie communautaire. Parmi ses autres influences, on peut citer Dorothy Day.

Le disciple

Après 8 ans dans la marine, Jean Vanier démissionne pour suivre son désir de changer de vie. Il entame un an de réflexion à l'Eau Vive, une communauté près de Paris. Il grandit et murit sous l'influence de son Père spirituel et créateur de la communauté de l'Eau vive, le père Thomas Philippe. Jean Vanier devient directeur de l'Eau vive après que le Pere Thomas en est été évincé. Puis il subit le même sort et reste fidèle à son Pere spirituel. Il ne pourra devenir prêtre à cause de cela. En juin 1956, pour la première fois, Jean Vanier doute et ne parvient pas à discerner sur le chemin qui doit être le sien. Il patiente, solitaire, et termine sa thèse de philosophie "Le bonheur comme principe et fin de l'éthique aristotélicienne".

Il est ensuite professeur au Canada mais refuse d'être titulaire : "je pressens que les choses vont bouger, que quelque chose va naître."

Le fondateur

Ce sera l'Arche. L'Arche naît de la rencontre entre Jean Vanier et deux personnes handicapées qu'il décide d’accueillir dans ce qui sera le premier foyer de la communauté, à Val Fleuri. Cet accueil est une réponse spontanée et humaine à la détresse de ces personnes qui vivent dans des conditions qui apparaîtrons comme atroce au fondateur de l'Arche. Très vite, des assistants viennent se former dans les foyers de l'Arche en vivant avec et aux côtés des personnes handicapées mentales. Ces assistants partiront ensuite aux quatre coins de la France et du monde pour bâtir de nouvelles communautés et foyers de l'Arche. C'est l'engagement de ces assistants qui fait l'Arche.

Le maître spirituel

Depuis la fin de son adolescence Jean Vanier chemine. Avant de créer l'Arche, il donnait des interventions en tant que philosophe. Ses qualités de prédicateur et ce don de la parole, il va les mettre à profit pour faire connaître l'Arche. Après avoir été un disciple du père Thomas puis le fondateur pragmatique de l'Arche, il va devenir messager et maître spirituel. Il donnera ainsi des conférences à travers le monde pour témoigner et sera également l'auteur de plus de trente livres. L'Arche se structure et se développe, Jean Vanier créera une lettre circulaire pour fixer des objectifs communs, faire part des activités et des progrès des communautés et clarifier un idéal commun. cette lettre et les ouvrage visent à penser et à stimuler notre amour pour les pauvres. Jean Vanier qui travaillait au quotidien à sa mission auprès des personnes handicapées va se muer en voyageur, conférencier, intervenant à travers le monde. Pendant 40 ans, il va voyager six mois par ans pour délivrer son message d'amour et témoigner du malheur qu'il éprouve à voir les personnes souffrir. La souffrance qu'il supporte le moins, celle qui le rend le plus malheureux, celle dont il a aussi le plus peur, c'est l'humiliation. Il se sent proche des leaders humiliés tels que Gandhi, Luther King ou Saint François d'assise.

Il ira jusqu'à créer un pèlerinage à Lourdes pour les personnes handicapées intellectuelles et leur famille. Celui lui vaudra d'être pris pour un fou inconscient. Le pèlerinage sera un succès, permettant aux pèlerins d’expérimenter la joie avec cette conviction de Jean Vanier :

"Je pense qu'un Homme qui a eu, rien qu'une fois, une expérience profonde de joie, quelque chose s'ouvre en lui. (...) Tout Homme doit savoir qu'il à le droit d'être heureux."

Ce sera un succès mondial (quasiment vingt mille pèlerins de, relayer par les médias, qui sera le moment fondateur de Foi et Lumière. L'association Foi et Lumière seront des communautés dans lesquelles "tisser des liens d'amitié, se donner les moyens de s'entraider, créer des espaces où les personnes avec un handicap et leurs parents n'auront plus honte d'eux mêmes, où on prendra le temps de s’écouter et de faire la fête. La charte précise que ces communautés doivent aussi "travailler à l'intégration des personnes handicapées mentales dans l'Eglise et la société ; favoriser leur vie humaine et spirituelle et les aider à grandir dans toutes leur capacités."

Jean Vanier pratique les vertus du leader. Il pourrait agir et diriger, il préfère pratiquer la collégialité et la responsabilisation au sein de communautés de l'arche en mettant chacun à contribution. Il pratique cette autorité qui "fait grandir" en écoutant et en tenant compte de ce que veulent les personnes handicapées et les assistants qui vivent à l'Arche. Le processus de décision est aussi important que le résultats dans les communautés de l'Arche.

L'audace de Jean Vanier fait place à un courage endurant, il mets en place et structure l'Arche afin que ces quelques règles soient communes aux quatre coins du monde avec une organisation structurée et des modes de gouvernance efficaces. Les leaders préparent leur succession afin de favoriser la continuité du fonctionnement de l'organisation, c'est ce que fait Jean Vanier, signe très fort de l'exercice d'un pouvoir communautaire et collectif qui va à l'encontre des usages actuels des dirigeants. Il dit d'ailleurs "La vie est comme un fleuve, retenir le pouvoir, c'est refuser le mouvement de la vie".

En 12 ans (1964 - 1975), Jean Vanier aura réussi à créer une œuvre magnifique avec "des personnes accueillies et des personnes engagées. Une œuvre avec une histoire, une identité qui s'affirme de jour en jour, une expérience, un message."

Le messager

Jean Vanier a conscience qu'il a à porter un message qui lui a été confié. L’anecdote suivante montre l'audace dont peut faire preuve Jean Vanier pour porter ce message. Jean Vanier va recevoir un prix au Vatican en présence du Pape Jean-Paul II. On lui demande d'être rapide car le Pape est fatigué. Jean Vanier commence en disant :

"On m'a demandé, Très Saint Père de ne pas parler longtemps car vous êtes fatigué. Il est heureux que les disciples n'aient pas été là quand Jésus, fatigué, s'était assis au puits de Jacob. Ils auraient empêché la Samaritaine d'approcher. Et je crois, Saint-Père, que la Samaritaine a été la joie de Jésus et nous, à L'Arche, nous voulons être votre joie."

Jean-Paul II relève la tête pour regarder Jean Vanier puis se lève et l'embrasse.

Le message de Jean Vanier est destiné à tous, universel. Ceci est une caractéristique des messages des leaders qui doivent être facilement compréhensibles et positifs. Ce message, qu'il a incarné pendant tant d'années, est "l'affirmation d'une espérance et une invitation à suivre un chemin dont nous ne saurons réellement où il nous mène que si nous osons l'emprunter". Jean Vanier est écouté et il convainc car il incarne ce message, le message est le messager, il est dans ce qu'il dit. C'est une marque des leaders qui sont des personnes simples et sincères, ouvertes et à l'écoute tout en assumant pleinement qui elles sont. La parole de Jean Vanier est enracinée dans son histoire. Et cette histoire est profondément incarnée.

C'est également l'un des messages de la vie de Jean Vanier : ce qu'il a contribué à construire c'est bâtit par les actions simples du quotidien, d'où l'importance de la pratique des vertus au quotidien en toute simplicité et humilité. A ce journaliste qui lui demande "pourquoi faîtes vous la vaisselle ?", il répond "Parce qu'elle est sale !". "Il faut faire ce qu'il y a à faire. L'action accomplie porte en elle sa propre finalité". C'est une part de son message : faire les choses utiles d'abord parce qu'il est bon qu'elles soient faites et non pour on ne sait quel autre objectif d'image de soi ou de récompenses à venir.

En 1964, Jean Vanier veut faire œuvre de justice en s'installant avec Philippe et Raphaël. Il veut les aider à s'accomplir. Il est bien loin d'imaginer que ce sont eux qui vont le révéler à lui même. Ils vont devenir ses "maîtres en humanité". Il explique :

"Je pouvais faire plein de choses mais ils attendaient de moi l'essentiel : la présence, la relation, l'amour. En vivant avec eux, j'ai découvert la soif de communion de l'être humain."

"En chacun se cache un enfant blessé qui a longtemps appelé en vain et que nous avons fait taire en l'emmurant sous les normes, les diplômes, les règles, les obligations de réussite et de compétence. Le cri du pauvre, sa soif brute de relation et d'amour, son incapacité à jouer le jeu social du pouvoir, du savoir, du prestige, son incapacité a déguiser ses sentiments, à se satisfaire de cette fausse monnaies des relations ordinaires dont, trop souvent, nous nous contentons, éveille, en nous, l'enfant si bien emmuré, depuis si longtemps, sous tant de murs que nous avions fini par l'oublier."

La joie, le plaisir, le bonheur jouent un rôle essentiel chez le fondateur de l’Arche, Jean Vanier a le gout du bonheur. Il a découvert ce goût du bonheur dans les communautés qu’il a visité puis dans sa thèse de philosophie, puis en a fait le pilier du développement de l’Arche. Les gens viennent et restent à l’Arche car ils sont heureux et y découvre les joies de la vie communautaire.

L’une des clés pour être heureux est de réussir à dépasser nos peurs, notamment celles du handicap, de nos propres blessures et de nos propres limites. Réussir à se libérer de nos peurs nous mets sur le chemin de l’espérance avec humilité ; l’humilité de reconnaître nos limites, notre fragilité.

L’appel à la liberté de Jean Vanier consiste à se libérer de nos peurs et de notre « faux moi », ce moi construit par nos peurs et nos constructions sociales. Sur ce chemin de la liberté, nous avons des maîtres spirituels qui doivent nous permettre avancer plus vite et plus loin puis de découvrir notre propre chemin le moment venu. Ce message de liberté est également un appel à échapper au diktat systématique de la compétition et de la concurrence, de plus en plus érigé comme un absolu et en seul mode de fonctionnement possible.

Jean Vanier est courageux (audacieux et endurant), juste et exigeant. Il passe des messages de fond sur ce qu’il a appris, vécu et découvert à l’Arche mais aussi dans la forme lorsqu’il accepte de donner certaines conférences en fixant ses conditions. Celle de faire un lavement des pieds entre responsables d’églises "ennemies" par exemple.

Jean Vanier incarne parfaitement ce dont le monde a besoin, des leaders vertueux, serviteur et magnanime à la fois. Son parcours illustre l’importance de se connaître pour découvrir notre mission, ce que nous sommes appelés à Faire. L’histoire de Jean Vanier est aussi ce subtil mélange de choix assumés et de capacité à laisser advenir ce qu’il y a de bon et de beau. Sa personnalité, c’est à dire son tempérament et son caractère hors norme, sont au service de sa mission : l’Arche. Par une pratique incarnée des vertus cardinales, de l’humilité et de la magnanimité (les deux vertus spécifiques des leaders), il a pu transmettre son message en ne faisant qu’un avec lui. Jean Vanier est un messager qui est son propre message. C’est cette unité que recherche le leader vertueux et qui lui permet de grandir en inspirant et en faisant grandir les autres sur le chemin de la liberté.

Un film sur la vie de Jean Vanier par Frédérique Bedos et le Projet Imagine sera bientôt disponible, voici la bande annonce :

S'il vous a plu, merci de partager ce portrait pour inspirer vos proches.

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